Tattoo Pete, le styliste génial
Il a brouillé les pistes avec sa dégaine de rock star mais il invente depuis treize ans les cigares les plus singuliers du monde. Quelques-uns sont disponibles en France. Trop peu !
Par Armelle Vincent
Le quadragénaire Pete Johnson est le créateur de la marque américaine Tatuaje, dont les cigares sont roulés à Miami, en Floride, et à Estelí, au Nicaragua, par José « Pepin » Garcia, le fondateur de la fabrique El Rey de los Habanos. Si le style avant-gardiste de Pete – tatouages et catogan – est aujourd’hui assez couru par les nouveaux loups de l’industrie, il fut un pionnier dans les années 1990, non seulement par son look déjanté mais aussi pour son manque total d’expérience et de relations dans une industrie qui ne l’avait pas vu venir et qu’il a pourtant conquise. Rencontre.
Cigars-Connect : Comment le bassiste d’un groupe de rock originaire du Maine est-il devenu l’un des producteurs de cigares les plus prospères des États-Unis ?
Pete Johnson : Par pure passion ! Je suis arrivé à Los Angeles à dix-huit ans, en 1993, pour faire de la musique sur le Sunset Strip. À l’époque, la portion hollywoodienne de Sunset Boulevard était bordée de clubs légendaires comme le Whisky et le Roxy. Je me suis mis à fumer le cigare sur scène et pendant les répétitions. Très vite, j’ai cessé de me séparer de mon kit.
Cigars-Connect : À quel moment êtes-vous passé du statut d’aficionado à celui de producteur ?
PJ. : Le Sunset Strip a perdu peu à peu son statut de temple du rock’n’roll à cause du grunge venu de Seattle. Comme ma carrière de bassiste ne décollait pas, je travaillais en même temps comme videur dans une boîte. Le patron de la civette où j’achetais mes cigares, Gus’s Smoke Shop, m’a un jour proposé un emploi à mi-temps. J’avais vingt-trois ans. Au bout de six mois, j’y travaillais à plein temps et je suis vite devenu leur principal vendeur. J’étais tombé amoureux de l’industrie. Je fumais tout, je voulais tout savoir. L’industrie m’a si bien accueilli que j’ai voulu y entrer.
Cigars-Connect : Bien accueilli malgré tous vos tatouages ?
PJ. : Oui ! À l’époque, je crois que j’étais le seul à avoir les bras complètement tatoués. Cela n’a rebuté personne. On ne m’a pas jugé sur ce critère et j’en ai été encore plus reconnaissant. Cela dit, lorsque j’ai commencé à travailler pour le Grand Havana Room, à Beverly Hills, j’ai pris bien soin de me couvrir les bras…
Cigars-Connect :Parlez-nous de cette époque.
PJ. : J’ai connu les gens du Grand Havana Room en travaillant à la civette car nous les fournissions en cigares. Pour ceux qui ne connaissent pas, le Grand Havana Room est un club privé très sélect, fréquenté par les stars. Toujours est-il que j’y ai été recruté comme directeur des ventes après un bref passage par La Nouvelle-Orléans. Ce poste m’a ouvert des tas de portes. Le plus important a été ma rencontre avec Pepin Garcia en 2003. J’avais pensé à devenir producteur mais mon projet n’avait pas décollé, j’étais découragé et sur le point d’abandonner mon rêve. Pepin a tout changé pour moi. Son immense générosité m’a redonné espoir. Il m’a tout appris. Je suis devenu un membre honoraire de sa famille.
Cigars-Connect :Comment s’est passée cette rencontre ?
PJ. : Le plus simplement du monde ! Pepin m’a demandé ce que j’aimais. Je lui ai répondu de me concocter un cigare plutôt puissant. Aussitôt dit, aussitôt fait ! Il s’est mis au travail immédiatement et m’a tendu un cigare en me demandant si c’était ce que je voulais. Le cigare était fantastique. Au bout de quelques mois, j’avais cinquante boîtes de cigares de chaque module. Je ne savais même pas encore où les vendre. Dieu merci, le Grand Havana Room a résolu le problème pour moi. Le trade show de cette année-là a fait le reste. Petit à petit, j’ai trouvé de plus en plus de clients.
Cigars-Connect : Quelle est l’origine de ce nom, Tatuaje ?
PJ. : Carlos Fuente et d’autres se sont mis à m’appeler Tattoo Pete. J’avais un tatouage Opus X qui leur plaisait particulièrement. Ils y ont vu ma passion pour l’industrie. C’est ce qui m’a donné l’idée d’appeler ma marque Tatuaje. On me l’a déconseillé à cause de la prononciation, difficile en anglais. Finalement, cela n’a jamais été un problème.
Cigars-Connect : Que représente Tatuaje aujourd’hui ?
PJ. : Nous avons vingt-deux marques (dont sept, comme El Triunfador, La Riqueza, Fausto, sont de vieilles marques cubaines vendues avant l’embargo et qui n’avaient pas été déposées) et nous produisons annuellement 3 millions de cigares fabriqués à Miami et au Nicaragua par la famille Garcia. On me dit quels sont les tabacs disponibles, je choisis les mélanges et le reste. Je me considère un peu comme un styliste de mode.
Cigars-Connect : Et vous continuez de vivre à Los Angeles, loin du cœur de l’industrie. N’est-ce pas un problème ?
PJ. : Los Angeles est ma ville et je l’aime. Mais il est vrai que je passe mon temps dans les avions. En parlant de voyages, l’un des moments où je me suis senti le plus fier dans ma vie est celui où j’ai vu mes cigares au Drugstore Publicis, sur les Champs-Élysées.
Cigars-Connect : Quels sont les trois cigares que vous vendez le mieux ? Et vos favoris ?
PJ. : Seleccion de Cazador, Havana VI et Atelier. Quant à moi, je fume tout avec une préférence pour La Vérité, un cigare vintage fabriqué exclusivement avec des tabacs de la plantation de la famille Garcia, La Estrella, à Estelí.
Cigars-Connect : Vous venez de vous lancer dans le vin…
PJ. : Mon autre passion. Je travaille avec la société Viniv qui est implantée dans le Médoc et qui permet aux amateurs de produire leurs propres millésimes. J’en ai ainsi produit cinq. Mais c’est une autre histoire !
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