Le 9 août dernier, un juge fédéral de Washington a annulé le projet de régulation du marché des cigares faits main voulu par la FDA (agence sanitaire américaine). Rocky Patel a été le visage de ce combat qui a duré près de huit ans. Nous l’avons rencontré dans les allées du salon Intertabac de Dortmund le 15 septembre dernier. 

L’Amateur de Cigare : Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez appris la victoire du règlement de la FDA ?

Rocky Patel : J’ai eu les larmes aux yeux. J’étais tellement heureux que je voulais serrer dans mes bras mes amis Jorge Padron, Carlito Fuente et tous les autres qui m’ont accompagné dans ce combat. J’étais seul dans l’avion et j’ai reçu un SMS. J’ai commencé à pleurer et je ne savais pas quoi faire d’autre. J’étais submergé par la joie.

L’ADC : Qu’est-ce que cela va changer pour vous ?

R.P. : Cela fait huit ans que j’ai un singe sur le dos, comme on dit en anglais : ce combat était presque devenu une obsession. Je vivais, je respirais dans ce combat, qui s’est mené tant sur le terrain politique, avec le Congrès et le Sénat, que sur le terrain juridique avec les avocats et la lecture de dizaines de milliers de pages de documents, de données scientifiques, les discussions avec les épidémiologistes, les pneumologues, les médecins, l’obtention de données scientifiques et la formation des avocats sur les données scientifiques pour défendre l’affaire. J’étais très confiant, mais personne n’aurait jamais cru qu’il était possible de gagner contre une agence gouvernementale devant un tribunal dans un dossier scientifique sur le tabac. Vous savez, j’ai travaillé 26 ans pour construire mon entreprise et j’avais peur de la perdre et de voir disparaître à tout jamais cette belle industrie artisanale, du moins aux États-Unis. C’était une grande peur et c’est pourquoi je me suis battu si durement pour protéger cette industrie.

L’ADC : C’est une victoire pour l’ensemble du secteur, pas seulement pour votre entreprise.

R.P. : C’est une victoire pour tout le monde. Pour les petits, les moyens et les grands. Mais je vais vous dire une chose : ce sont les entreprises familiales qui ont investi tout l’argent, tout le temps et tous les efforts dans cette lutte. J’ai passé 50 à 60 % de mon temps pendant 8 ans à mener cette bataille.

L’ADC : C’est une bonne nouvelle pour les entreprises qui, comme vous, réalisent la majeure partie de leur chiffre d’affaires aux États-Unis. Mais est-ce aussi une bonne nouvelle pour les aficionados européens ?

R.P. : Absolument. Nous avons créé un précédent dans le monde. Récemment, nous venons d’engager quelqu’un en Europe pour mettre en place un plan et un groupe de pression pour discuter avec l’UE et la Commission de Bruxelles. Nous sommes en train de rédiger un livre blanc contenant toutes les informations scientifiques et les données que nous avons recueillies aux États-Unis afin de les appliquer ici [en Europe, ndlr] pour montrer aux gens, aux dirigeants de l’UE que les cigares faits main sont un produit unique, différent des cigarettes ou de tous les autres produits du tabac. Les enfants ne fument pas de cigares. Les cigares se fument occasionnellement, sans addiction, car ils ne créent pas d’accoutumance. Ils ne provoquent pas non plus de cancers ou de maladies cardiaques. Nous avons rassemblé tous ces éléments scientifiques et nous allons maintenant venir en Europe pour éduquer les membres de la Commission européenne et des ministères de la Santé afin qu’ils traitent différemment les cigares faits main.

L’ADC : Avec cette victoire, le marché américain reste très attractif pour vous, tandis que les marchés européens sont beaucoup plus réglementés. Pensez-vous que les amateurs européens doivent craindre cette victoire ?

R.P. : Je pense que la chose la plus importante est que tout le monde doit protéger la liberté et le droit de fumer des cigares. Nous avons besoin de l’aide des consommateurs, de tous les clubs de cigares en Europe et de la presse. Nous allons nous engager à vos côtés [Européens, ndlr] parce que nous avons réalisé les études scientifiques. Nous allons donc nous adresser à tous les cercles d’amateurs, à tous les clubs de cigares d’Europe pour qu’ils participent à cet effort commun de réduction des taxes, de suppression du paquet neutre, de suppression de la directive européen sur les produits du tabac (TPD), pour que le gouvernement ne vous traite pas comme des parias. Nous voulons travailler avec vous tous pour protéger cette magnifique industrie artisanale parce qu’elle est importante, et parce que c’est simplement une question d’éducation. Si vous éduquez le gouvernement et les personnes qui établissent les règles, alors ils comprendront que les cigares faits à la main sont tout à fait différents, qu’il s’agit de produits de luxe distincts qui devraient être protégés et autorisés à être fumés sans risque.

 Propos recueillis par Laurent Mimouni, envoyé spécial à Dortmund