Patrick Poivre d’Arvor : « Un D4, évidemment »
Depuis qu’il a été sèchement congédié par son employeur, le présentateur historique du « 20h » de TF1 n’a pas pris la moindre « retraite ». Patrick Poivre d’Arvor a enchaîné les émissions de télé, les voyages, les livres, à un rythme effréné. « Trop, peut-être », reconnaît-il aujourd’hui, frappé de sidération, comme nous tous, par la catastrophe actuelle, l’arrêt total de ses activités, le confinement.
Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, il raconte en toute simplicité son quotidien, et essaie de se projeter dans l’après. Le cigare, ce « plaisir raisonné », en fera à l’évidence partie.
Patrick Poivre d’Arvor, où êtes-vous confiné, dans quelles conditions ?
Chez moi, à Neuilly, comme un lion en cage ! Je suis tout seul. Seuls mes deux fils passent me voir quand ils peuvent. Je fais des choses matérielles, que je ne faisais pas avant, comme aller faire des courses à la supérette du quartier. Et je cours tous les jours, muni de ma dérogation. On aura tout vécu : maintenant, il faut s’autoriser à sortir ! Bien sûr, cette situation inédite amène chacun à réfléchir : sur l’essentiel et l’accessoire, sur la façon dont on a toujours vécu. On va peut-être vers un retour aux fondamentaux, à l’essentiel : la nature, la floraison du printemps. Des choses simples… J’ai passé ma vie à courir. Sur le moment on se rend moins compte des choses, et puis, lorsqu’elles arrivent, il faut, autant que faire se peut, les positiver. Je me rappelle mon dernier JT sur TF1. J’avais dit en partant, citant Shakespeare : « Ce qu’on ne peut éviter, il faut l’embrasser ».
A quoi occupez-vous votre temps ?
J’en profite pour ranger ma bibliothèque. Je retrouve des livres que j’ai lus et oubliés, ou jamais lus, et je les (re)lis. Des classiques, des chefs d’oeuvre, comme Aurélien, le roman surréaliste de Louis Aragon. J’écris également : je suis en train de travailler à un essai, une réflexion sur les gens qui ont fait le choix de partir vivre au bout du monde. Drôle de coïncidence. Et aussi à un livre sur ma chère Bretagne, une commande que je n’avais pas eu le temps d’honorer jusqu’ici. Mon éditeur va être content !
Votre dernier roman, L’Ambitieux, paru chez Grasset le 27 février, a été l’une des victimes de la crise ?
Oui, il a été chopé en plein vol par le coronavirus, et n’a vécu que 15 jours. C’est évidemment très triste. J’espère qu’il connaîtra une seconde vie, mais je ne sais pas quand ni comment. J’en ai parlé avec mon éditeur, qui ne sait pas non plus comment l’industrie du livre va pouvoir redémarrer, ni quand. Il va falloir faire des choix, repousser de nombreux titres jusqu’à la rentrée, voire l’année prochaine, dans le monde d’après. C’est un sentiment très étrange… Je pense qu’il faut rouvrir impérativement les librairies, qui sont des commerces de première nécessité ! Et j’espère qu’on n’a pas, au profit de la télé ou d’Internet, perdu les lecteurs de livres…
L’ancien présentateur du « 20h » alterne cigarillos cubains et D4 de Partagás (Crédit photo : DR)
Toute votre activité s’est arrêtée du jour au lendemain ?
Oui. Mon émission littéraire quotidienne sur CNews continue encore, parce qu’on avait enregistré à l’avance. Et on y ajoute quelques rediffusions. Mais les stocks vont bientôt se tarir, et nous avons enregistré des émissions sur des livres qui ont été reportés. En ce qui concerne mon émission sur France 5, « Une maison un artiste », on en avait fourni le maximum, mais les tournages sont évidemment à l’arrêt. C’est rude pour la société de production avec qui je travaille, et tous ses employés, qui tourne au ralenti. Il y a aussi tous les festivals, les lectures-concerts, les croisières que je devais faire jusqu’à l’été… Quinze événements environ : tous annulés.
Est-ce que le cigare vous apporte du réconfort ?
Bien sûr, même si j’ai réduit la voilure au niveau des modules. J’alterne des cigarillos (mais cubains), avec des cigares plus costauds, comme les D4 de Partagás, évidemment, ma vitole préférée, toujours après le déjeuner et au moment du café. Il n’y a pas si longtemps, j’étais à la Guadeloupe, avec Sylvain Tesson. Nous avons savouré un petit verre de rhum, et quelques puros. Il y avait tout. C’était le bonheur absolu. Et, nous ne pouvions pas le savoir, si fragile… Le cigare est un plaisir gourmand, raisonné, pas une addiction. Mais je n’ai plus beaucoup de réserves : je vais devoir trouver une civette ouverte, près de chez moi…
La première chose que vous ferez après notre libération ?
Me rendre en Bretagne, dans ma petite maison, et me jeter dans la mer !
Propos recueillis par Jean-Claude Perrier
Nous vous proposons également de (re)lire le portrait que nous avions consacré à Patrick Poivre d’Arvor en mars 2003 (ADC n°35, lien ci-dessous) :
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