Jean-André Charial, le gentleman de Baumanière
Cuisinier, vigneron et chef d’entreprise, Jean-André Charial ne déroge jamais à ce rituel : un Partagas D4 tous les jours après le déjeuner.
Par Thierry Dussard
« J’ignore totalement les autres terroirs », reconnaît celui qui a eu le privilège de fumer des Châteaux Yquem et autres Margaux, bagués Davidoff, à l’époque où le roi Zino frayait avec Cuba. Fidèle aux havanes, comme on peut l’être à sa première femme, Jean-André Charial s’accorde bien quelques écarts, mais à condition de rester dans le périmètre cubain, à jamais lié à ses premières amours. « Entre gens de la cuisine, nous savons qu’un bon repas se termine, et surtout se prolonge, avec un cigare. Marc Meneau, Pierre Troisgros et Alain Senderens ont joué un rôle dans ma découverte de ce plaisir sur lequel j’ai du mal à mettre des mots. »
Comment passer des Gitanes aux havanes ? Cela ne s’explique pas, c’est comme pour un mélomane, passer du concerto à l’opéra. « C’est la longueur qui m’a plu, et cette sensation qui évolue au rythme de la combustion – il est vrai aussi que j’étais conscient que le cigare est moins nocif que la cigarette », ajoute l’amateur, qui s’accorde un D4 de Partagas par jour. « Partagas y nada más », se dit-t-on, lorsqu’il montre sa cave aux couleurs de la célèbre marque et aux dimensions des robustos – « Le module me va bien en bouche. J’ai aussi fumé des Juan Lopez, toujours en robusto, mais c’est le D4 que je préfère, et que j’allume presque chaque jour après le déjeuner au bureau. »
Baumanière n’est pas une hôtellerie c’est une récompense
Car Jean-André Charial, soixante douze ans, chef doublement étoilé au Michelin, est également chef d’entreprise. Ce n’est pas qu’une formule : il est diplômé d’HEC, puis a fait HBT – Haeberlin, Bocuse, Troisgros – au cours de son apprentissage aux fourneaux. Auquel son grand-père Raymond Thuilier, trois étoiles de 1956 à 1990, tenait absolument. « Il ne fumait pas, mon père non plus, et je n’ai transmis à personne mon addiction », souligne le patron de la la bergerie provençale transformée en hôtel il y a soixante-dix ans et estampillée Relais & Châteaux. « Baumanière n’est pas une hôtellerie, c’est une récompense, écrivait Frédéric Dard. L’Oustau est une philosophie, celle du raffinement poussé jusqu’au sublime. »
La cave à cigares du restaurant en témoigne. Un coffret en bois doublé de cèdre, à trois étages, où les Montecristo A et Open, se disputent la primeur avec toute la gamme des Partagas, 2, 4et 6, ainsi que des Hoyo de Monterrey, tous parfaitement humidifiés à 70 %. On en oublierait presque la cave à vins où les caisses de petrus, les magnums de Ruinart et les bouteilles de montrachet reposent sous l’œil de Gilles Ozzello, le fidèle sommelier.
Le meilleur est à venir lorsqu’on s’attable puisque le repas commence par une mousse de rougets semée d’écailles argentées qui semblent avoir été frites une par une. Elles croustillent et donnent à ce plat stupéfiant un goût d’été et de retour de pêche alors que les rochers blancs et déchiquetés des Baux-de-Provence donnent l’illusion d’être au milieu des calanques. L’Affectif, le vin rouge et épicé de Jean-André Charial, apporte une note personnelle au repas préparé par le Breton Glenn Viel. « Oui, je fais du vin bio depuis trente ans, la vigne, cela vous enracine, et ça remet les pieds sur terre, sourit le gentleman de Baumanière. En cuisine, on est dans l’immédiat, alors que le vin s’imprime dans le temps long, celui du terroir, comme le cigare, même s’il part en fumée. »
En 1983, Zino Davidoff remet à J.-A. Charial (à gauche) son diplôme de l’Académie du Cigare.
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