Etats-Unis : le business des cigares présidentiels
Plusieurs marques de cigares utilisent régulièrement l’image des présidents ou des candidats à la Maison Blanche. Un marketing politique inimaginable en France.
Aux Etats-Unis fumer un cigare dont la bague porte la tête ou le nom d’un candidat à la Maison Blanche ou du président en exercice est une pratique courante. C’est même un commerce florissant pour certains fabricants.
La campagne présidentielle entre Kamala Harris et Donald Trump qui s’achèvera ce mardi 5 novembre n’échappe pas à la règle. Plusieurs marques surfent ainsi sur l’envie des partisans d’un candidat d’afficher leur préférence politique directement sur leurs cigares.
Même si beaucoup de leurs promoteurs se défendent de tout lien avec des comités de soutien ou des comités de financement des candidats, les deux principales sociétés qui surfent sur ce business sont plutôt pro-républicaines.
Bobalu Cigars et ses vitoles trumpistes
La plus ancienne, la société texane Bobalu Cigars Co a été fondée en 1997. Elle affiche un prosélytisme sans ambiguïté pour Donald Trump et propose ses vitoles sur son site internet mais aussi sur un site dédié baptisé TrumpCigars.
Le choix est vaste. On y trouve des cigares commémorant la première année de Donald Trump à la Maison-Blanche, mais aussi une édition limitée baptisé The Witch Hunt Robusto, que l’on peut traduire par « la chasse aux sorcière » – une référence directe aux propos du candidat républicain qui affirme régulièrement être victime de persécutions, notamment judiciaires. Dans la même veine, en 2008 et 2013 Bobalu a commercialisé des cigares baptisés MAGA pour Make America Great Again (rendre à l’Amérique sa grandeur), l’un des slogans favoris de Donald Trump.
Mais on trouve aussi des cigares ornés de bagues beaucoup plus explicites à l’encontre du parti démocrate et regroupés dans un pack baptisé The Deplorables (les déplorables). Ce nom fait directement référence à une expression utilisée par Hillary Clinton pendant la campagne de 2016. « On pourrait mettre la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des déplorables : les racistes, les sexistes, les homophobes, les xénophobes, les islamophobes, etc. », avait lancé celle qui était alors candidate à la Maison Blanche.
Dans un pays où le business est roi, la réactivité est de mise. Il n’a pas fallu plus d’une semaine, par exemple, pour que Bobalu propose des boites de robustos en lien avec le ticket républicain constitué par Trump et son colistier J.D.Vance.
Même chose pour voir apparaître, toujours chez Bobalu, des vitoles baptisée The Fighter (le combattant). Et qui reprennent sur leurs bagues et boîtes l’image de Trump levant le poing après l’attentat manqué de Pennsylvanie, au mois de juillet dernier.
Ted’s Cigars célèbre les investitures
La marque texane n’est pas la seule sur ce créneau. Plusieurs autres distributeurs surfent sur ce marché. A l’image du label Ted’s Cigars, créé par Ted Jackson, un Américain originaire du Kentucky et qui ne cache pas, lui aussi, ses accointances avec le parti républicain même s’il se veut éclectique. Il propose des cigares liés aux élections américaines depuis 2005. Cette année-là, la marque a vendu sur son site internet un cigare spécialement roulé pour l’investiture de George W. Bush. Quatre ans plus tard, Ted Jackson réitère l’opération avec un cigare dédié à l’investiture du démocrate Barack Obama. Puis en 2016, ce sera la sortie d’un autre cigare spécial pour celle de Donald Trump.
Pour la campagne de 2016, Ted Jackson a multiplié les vitoles en s’intéressant aussi aux candidats aux primaires et en proposant jusqu’à cinq versions différentes. Les sorties de cigares ont évolué au fil des sondages et des favoris à la course pour l’investiture comme candidat : Bernie Sanders, Hilary Clinton, Marco Rubio, Ted Cruz et Donald Trump ont ainsi eu droit à leur bague. Avec à chaque fois le même cigare : un toro avec une cape Connecticut, une sous-cape de République Dominicaine et une tripe composée de tabac du Brésil, du Nicaragua et de République dominicaine.
Mais si Ted’s Cigars propose tout autant des cigares républicains que démocrates, sa proximité avec les partisans de Trump est des plus claires. Pour la présidentielle de 2024, ses cigares sont mis en avant sur Trumpstore America, un site de vente en ligne qui soutient Donald Trump et qui est géré par le groupe Spadling dont le fondateur et propriétaire n’est autre que… Ted Jackson.
Vallorani Cigars est un autre distributeur qui essaye de se faire une place sur ce marché. L’entreprise familiale, dont le dirigeant Brandon Vallorini ne cache pas, lui non plus, son engouement pour l’ex-président républicain, propose chaque année, depuis 2020, des cigares en édition limitée dont la bague est ornée du profil du 45e président américain.
L’édition 2024 a été dévoilée en mars dernier en Floride au Mar-a-Lago Club, propriété de Donald Trump. Les cigares, des churchills, sont vendus dans des boites de 10 estampillées « Trump 2024 – Take America Back ».
Les démocrates aussi… mais plus rarement
Et le parti démocrate dans tout ça ? Il fait pâle figure, alors même qu’au moins deux ex-présidents démocrates, John Fitzgerald Kennedy et Bill Clinton, étaient des amateurs de cigares assumés.
Peu apprécié par les producteurs à cause de sa politique anti-tabac, Joe Biden, désormais ex-candidat à sa réélection, n’a eu droit qu’à une seule vitole qui célébrait son arrivée à la Maison-Blanche : baptisé « Biden 2020 », il s’agissait d’un toro vendu par la société californienne Corona Cigars.
Il reste bien moins loti que son prédécesseur Barack Obama qui n’était pas fumeur de cigares et avait arrêté la cigarette en 2010. Outre le cigare d’investiture proposé par Ted’s Cigars, le 44e président américain avait notamment fait, en étant élu, le bonheur de la société californienne Granada 1524. Celle-ci avait, fin 2009, fait rouler au Nicaragua une série de cigares estampillés d’une seconde bague « Obama 44 ». Ils étaient proposés dans une boite spécialement fabriquée pour l’occasion. A l’époque, Ahmed Fernandez, PDG de Segovia Cigars qui avait roulé les vitoles, affirmait avoir exporté aux Etats-Unis plus de 20.000 de ces cigares au cours des deux mois qui avait précédé l’investiture de Barack Obama.
Régis Besko et Léonard Fouquet
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