En Chine, la chasse à la contrebande est ouverte
Depuis le début de l’année, les douaniers chinois ont démantelé au moins quatre réseaux de revente de cigares de contrebande. La valeur commerciale totale des saisies effectuées se compte en millions d’euros.
Régis Besko
Pour la plupart des aficionados, la Chine est accusée de tous les maux. Notamment parce qu’elle siphonnerait un marché du cigare cubain déjà exsangue et amplifierait de ce fait la rareté des vitoles. Et l’image du touriste chinois retournant chez lui les valises débordantes de boîtes de cigares cubains est devenu un stéréotype dans l’imaginaire des amateurs européens.
Il y a une part de vérité dans tout cela. En mai dernier les douaniers de l’aéroport de Pékin ont intercepté un voyageur qui avait, dans sa valise, 60 boites de cigares contenant 1 113 vitoles. Les autorités aéroportuaires n’ont pas précisé si le suspect trafiquait pour son propre compte ou pour un réseau.
Des cigares achetés sur Internet et revendus via des forums spécialisés
Car la priorité affichée des douaniers chinois est le démantèlement des réseaux de distributions actifs à l’intérieur du pays et qui fonctionnent bien souvent sur le même modèle : les trafiquants commandent, directement ou via des intermédiaires, les cigares sur des sites en lignes situés à l’étranger. Ils se les font expédier via la poste ou des transporteurs en prenant soin de faire de fausses déclarations de valeurs et de contenus et en multipliant les destinataires. Une fois arrivés sur le territoire chinois, les cigares sont le plus souvent écoulés sous le manteau via des forums de discussion sur Internet. A des prix majorés de 5 à 10 % minimum.
Saisie de cigares de contrebande effectuée par le bureau des Douanes de Pékin. © DR
Le business est lucratif et fait visiblement de nombreux émules au point que, s’il n’existe pas de statistiques centralisées permettant de se faire une idée précise de l’ampleur du phénomène, une lecture attentive des médias et réseaux sociaux chinois montre qu’il ne se passe quasiment pas un mois sans que la douane n’annonce des saisies de cigares de contrebande ou le démantèlement d’un réseau de trafiquants. Des affaires que l’administration médiatise en insistant sur les montants de la fraude et du manque à gagner en termes de taxes.
Plusieurs réseaux démantelés en quelques mois
Depuis le début de l’année plusieurs cas ont ainsi été mis en avant par les douaniers chinois. La dernière affaire en date a été mise au jour courant mai par les douanes de la ville de Shenyang, la capitale de la province du Liaoning (nord-est). Plus de 7 000 cigares de contrebandes ont été saisis, essentiellement des Cohibas et autres marques premium de Habanos S.A. Le tout pour une valeur marchande estimée à plus de 20 millions de yuans (un peu plus de 2 millions d’euros). Le manque a gagné pour l’administration fiscale, du fait de la non-déclaration de ces cigares, atteindrait quant à lui 10 millions de yuans.
Selon la presse locale, les cigares avaient été envoyés d’un pays européen et les colis ont été interceptés par les douaniers lors d’inspections de routine. L’enquête a permis de débusquer un réseau organisé de contrebande de cigares cubains dirigé par un homme qui a reconnu avoir commencé à commander des cigares en décembre 2019 afin de les revendre. Pour obtenir les précieuses vitoles, il faisait en sorte qu’elles lui soient envoyées dans des paquets séparés en utilisant les adresses de certains membres de sa famille ou d’amis.
Plus de 7 000 cigares ont été saisis, essentiellement des Cohibas et autres marques premium de Habanos S.A. par les douanes de Shenyang (nord-est). © DR
Quelques semaines plus tôt, c’est une autre opération qui a été révélée par les douanes de Nanjing (est). Cette fois-ci, 18 personnes ont été arrêtées et 15 000 cigares ont été saisis. Valeur estimée du butin : plus de 12 millions de yuans. Là encore, le mode opératoire était le même : fausses déclarations de contenu et de valeurs des paquets provenant de l’étranger. L’un des suspects arrêtés avait commencé son activité illicite en 2017. Un autre avait fait construire chez lui un walk-in humidor où se trouvaient plus de 9.000 cigares au moment de son arrestation.
Si, sans surprise, l’essentiel des cigares saisis étaient cubain, des marques du nouveau monde étaient aussi présentes. Les images diffusées par les douanes montrent notamment des boîtes de VegaFina ou d’Oliva mais aussi des Ashton ou bien des Illusione. Au total, des boîtes d’une vingtaine de marques différentes de cigares ont été trouvées.
Opération « épée verte » à Pékin
Pékin, la capitale chinoise, n’échappe pas au fléau. Au point que les services de la Douane de la métropole, en collaboration avec l’antenne locale du bureau du monopole du tabac ont lancé, en avril dernier, une opération spéciale qui doit s’achever en mars 2025. Baptisée « Epée verte » elle aurait, au cours du premier mois d’enquête, permis de démanteler deux réseaux qui sévissaient dans la métropole et conduit à l’arrestation de quatre personnes. Pas moins de 27 000 cigares cubains de contrebande auraient été saisis. Les trafiquants écoulaient aussi des cigarettes. Valeur totale de ces saisies, cigares et cigarettes comprises : 1,2 millions d’euros et un manque à gagner fiscal de plus de 500 000 euros.
Outre le démantèlement des réseaux existants, les fonctionnaires de la capitale promettent de s’attaquer aux circuits d’approvisionnement et, dans ce but, de s’adjoindre la collaboration des services des autorités aéroportuaires et de ceux de la poste.
On reste cependant encore loin de l’ampleur de l’affaire qui a marqué le mois de juin 2023. A l’époque, et au terme d’une enquête qui a duré près d’un an, les douaniers et policiers de Lanzhu, une ville située à 1 500 km au sud-est de Pékin, ont arrêté 24 suspects. Ils ont mis un terme à un réseau de vente illégal qui était implanté dans une dizaine de provinces chinoises (le pays en compte 23 auxquelles s’ajoutent cinq régions autonomes) et opérait depuis 2021. Plus de 15 000 cigares de contrebande ont alors été saisis. Le montant total des fonds impliqués s’élevait à 120 millions de yuans soit un peu plus de 15 millions d’euros.
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