Didier Bourdon, le « pari » du cigare
À l’affiche de deux films récemment, Didier Bourdon évoque avec nous son parcours, ses succès au cinéma, ses débuts au théâtre et ses années de Conservatoire où il a découvert le cigare.
Par Laurent Mimouni
L’homme qui nous donne rendez-vous dans un bistrot de son quartier de Montmartre est à ce jour l’un des rares – si ce n’est le seul – réalisateurs français à avoir fait du tabac le sujet principal d’un de ses films. Le Pari, sorti en 1997, coréalisé avec son ex-camarade des Inconnus Bernard Campan, met en scène deux beaux-frères qui se détestent cordialement et que tout oppose. Didier, riche pharmacien parisien, et Bernard, modeste prof de banlieue, vont se fixer le défi d’arrêter la cigarette pendant quinze jours, jusqu’au repas de famille suivant.
L’idée du scénario est venue aux deux hommes – amis dans la vie, est-il besoin de le préciser ? – lorsqu’ils bataillaient ensemble pour arrêter la clope. Ce fut difficile, et Didier Bourdon n’accorde aujourd’hui aucune indulgence à son ancienne addiction. « La cigarette, c’est une maladie, lâche-t-il. Il n’y a pas de plaisir. Moi, j’aime le tabac, pas l’esclavage. »
Du Bourgeois gentilhomme aux Inconnus…
Fils de pied-noir, arrivé en France à l’âge de trois ans, Didier Bourdon est déjà sur les planches à onze pour jouer une pièce de Courteline avec ses copains de collège. À l’adolescence, il entre au Conservatoire, où il fait ses gammes en donnant la réplique notamment à Christophe Lambert. « Mon premier cigare, c’était chez Robert Manuel, l’un de mes professeurs au Conservatoire, raconte-t-il. Il nous avait initiés chez lui, à Noël, avec un groupe d’étudiants, en nous offrant de super cigares, sans doute des Churchills. Je me souviens de leur goût délicieux. J’ai aussi un souvenir un peu plus douloureux, quelques années plus tard, en compagnie de José Covès [pronostiqueur hippique sur Europe 1, ndlr] ; j’avais sans doute fumé un peu trop vite… »
Son premier film, il le doit à Roger Coggio qui lui donne un tout petit rôle dans une adaptation du Bourgeois gentilhomme de Molière. Mais comme beaucoup de comédiens débutants à cette époque, c’est au Petit Théâtre de Bouvard, à la télé, qu’il se fait repérer, notamment par le producteur Paul Lederman. C’est aussi là qu’il rencontre Bernard Campan et Pascal Légitimus. Ils fondent bientôt les Inconnus, qu’on verra d’abord sur scène (premier spectacle en 1989), puis dans La Télé des Inconnus, série d’émissions culte pour toute une génération, une référence de l’humour télévisé des années 1990, comme les Nuls l’avaient été dans les années 1980.
Lorsque, quelques années plus tard, les Inconnus se séparent, les trois hommes ne restent pas longtemps à l’écart les uns des autres. Leurs retrouvailles, en 1995, dans Les Trois Frères se traduiront par l’un des plus gros succès de l’histoire du cinéma français – avec son lot de répliques cultes. Aujourd’hui encore, beaucoup parmi ceux qui étaient adolescents à l’époque sont capables de réciter des scènes entières du film par cœur.
« C’est après Le Pari que j’ai repris le cigare, se souvient l’acteur. Je peux tout à fait rester plusieurs semaines sans en déguster, lorsque je joue au théâtre, par exemple, parce que j’ai peur pour ma voix. Il est rare que je fume seul. J’associe plutôt le cigare à la bonne compagnie, comme pour le vin. Comme disait Jean Carmet : “Je préfère une bouteille moyenne avec des amis qu’une bonne bouteille tout seul.” On apprécie d’ailleurs d’autant mieux un repas lorsqu’on sait qu’il y aura un cigare à la fin. »
« Gaffe aux motards, au pinard, aux pétards… »
Quant à l’image véhiculée par le cigare, elle ne semble pas déranger celui qui est aussi l’auteur en 2005 d’une chanson humoristique intitulée « On peuplu rien dire », écrite il y a plus de dix ans mais qui n’a pas pris une ride – « Si j’veux parler d’Allah, on va me dire là vaut mieux pas / Si j’prononce le mot kippa, t’es gentil tu la gardes pour toi / Si j’vous dis Jésus, désolé ça n’intéresse plus (…) Faut faire gaffe aux radars, aux motards, au pinard, au Ricard, aux pétards, aux clébards, aux papelards… » Il en convient d’ailleurs aujourd’hui : « On aurait des difficultés à refaire certains sketchs des Inconnus. On ne nous l’interdirait pas directement, mais on nous ferait comprendre que ça n’est peut-être pas le bon moment. On nous dirait : “En ce moment, il vaut mieux éviter de heurter telle ou telle sensibilité, vous comprenez…” Mais le problème avec le politiquement correct, c’est qu’il n’est jamais tout à fait dénué de fondement… »
Amateur de petits modules, surtout par manque de temps, Didier Bourdon fait confiance à La Civette du Palais-Royal, où il a ses habitudes et où il a fait récemment la rencontre de Christian Eiroa, producteur des cigares qui portent son nom et de la marque Asylum, fabriquée au Nicaragua. Mais il n’est pas exclusif. « Un jour, se souvient-il, Gérard Depardieu revenait de Cuba où son pote Castro lui avait offert une boîte de cigares, et il m’a dit : “Tiens, moi je ne fume pas, je te les donne.” C’était des Partagas. J’ai adoré… Mais en vieillissant, c’est comme avec l’alcool, j’ai tendance à fumer plus doux. »
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