Casa Turrent : 140 ans d’histoire…
Près de cent quarante ans après que son grand-père a mis en culture ses premiers plants, Alejandro Turrent, figure emblématique du terroir mexicain, se lance sur le marché européen avec sa marque Casa Turrent et sa dernière gamme, la Serie 1880. L’occasion de revenir sur l’épopée de cette entreprise familiale.
Par Laurent Mimouni
La marque Casa Turrent n’existe que depuis 2013, mais cela fait bien longtemps que la famille d’Alejandro Turrent est présente dans le monde du cigare. L’histoire commence à la fin du xixe siècle, dans un petit village de l’État de Veracruz (sud-ouest du Mexique), San Andrés Tuxtla. « La région, entourée de volcans, présente un sol très fertile et un climat tropical – un terroir parfait pour faire pousser du tabac », explique Alejandro. Les premières plantations s’y développent dès les années 1850 et c’est là que Roberto Turrent, l’arrière-grand-père, originaire d’Espagne, s’installe en 1880 après un passage de quelques mois à Cuba. Son entreprise va passer de père en fils sur quatre générations, jusqu’à Alejandro, survivant à l’histoire mouvementée du pays, notamment à la révolution mexicaine (1910-1920), marquée par des destructions et des expropriations, et aux deux guerres mondiales, qui entraînent une chute importante de la demande de cigares aux États-Unis et en Europe.
Au hasard d’une visite
Historiquement, le tabac le plus cultivé au Mexique est une race endémique appelée Negro San Andrés, car ses plants donnent des feuilles extrêmement sombres une fois séchées et fermentées. Mais, raconte Alejandro, « dans les années 1950, un Néerlandais de passage a laissé quelques graines de Sumatra, un tabac originaire d’Indonésie, comme son nom l’indique. Mon grand-père en a fait pousser quelques plants, pour essayer, sans vraiment savoir à quoi ça allait lui servir… quand un client américain, lui aussi de passage, lui a expliqué que cela produisait des feuilles particulièrement adaptées aux capes de cigares ». Aujourd’hui, sur les 200 hectares que possède en propre la famille Turrent, elle fait essentiellement pousser ces deux types de tabac, ainsi que des pieds issus de graines cubaines pour compléter certains assemblages.
L’avantage du Negro San Andrés, c’est qu’il est, par définition, parfaitement adapté au climat local. « Il est également très facile à travailler pour les torcedores, explique Alejandro, et il propose, à la dégustation, de nombreux arômes et une bonne combustion. » Le Negro San Andrés a surtout l’intérêt de pouvoir pratiquement se suffire à lui-même : il peut être utilisé comme base dans la tripe, mais aussi comme sous-cape ou comme cape. Sur le plan gustatif, il n’est pas fort, presque doux-amer, avec des arômes de cacao et de chocolat noir : « C’est un goût unique, que vous ne pouvez pas trouver ailleurs. ». Dans la nouvelle gamme Casa Turrent 1880 qui vient d’être lancée en France, quelques feuilles de tabac nicaraguayen viennent compléter un assemblage très largement mexicain, « pour donner un peu plus de puissance ».
Le boom du cigare
Jusqu’en 1972, les Turrent étaient avant tout des cultivateurs, à la tête de plusieurs centaines d’hectares de champs dont ils revendaient la production à des fabriques locales. Mais cette année-là, la famille a l’occasion de reprendre la fabrique Te Amo – des cigares d’entrée de gamme (cape Sumatra, sous-cape et tripe Negro San Andrés) que les amateurs français pouvaient trouver dans les civettes il y a quelques années mais qui ne sont plus disponibles chez nous aujourd’hui. L’opération est menée par Alberto, le père d’Alejandro. Une dizaine d’années seulement après l’instauration de l’embargo américain sur les produits cubains, la demande de cigares aux États-Unis est alors forte. Puis, second virage pour Turrent, dans les années 1990, au moment de ce qu’on a appelé le « boom du cigare », des marques extérieures ont commencé à intégrer du Negro San Andrés dans leurs vitoles majoritairement dominicaines ou nicaraguayennnes, afin de varier les assemblages et de se distinguer. La famille Turrent fournit par exemple aujourd’hui des feuilles à la marque Macanudo, l’une des plus vendues aux États-Unis.
Europe : opération séduction
Les États-Unis représentent aujourd’hui environ 30 % des ventes de Casa Turrent, derrière le Mexique (50 %) et devant le reste du monde (20 %). Dès lors, pourquoi s’intéresser à l’Europe alors que le tabac mexicain dispose, à ses portes, du marché américain ? « Je consacre bien sûr l’essentiel de mon temps aux États-Unis», admet Alejandro, qui emploie aujourd’hui une centaine de travailleurs à l’année dans ses champs – chiffre qui peut monter jusqu’à neuf cents en haute saison –, cent rouleurs dans sa fabrique et cent cinquante personnes pour la partie administration et distribution. « Il n’est pas rare que je passe toute la semaine aux États-Unis pour ne rentrer au Mexique que le week-end, poursuit-il. Mais nous pensons qu’il y a de belles opportunités en Europe. Si on parle beaucoup de nouveaux pays amateurs (Asie, Moyen-Orient…), l’ensemble constitué par les États-Unis et l’Union européenne représente encore plus de 90 % du marché mondial du cigare premium. Il est donc impossible pour nous d’ignorer l’Europe. » Les consommateurs européens sont toutefois très difficiles à séduire pour les marques non cubaines : « La France, l’Espagne, l’Allemagne sont des marchés compliqués à pénétrer. Nous avons un peu moins de difficultés dans les pays de l’est de l’Europe (pays baltes, République tchèque…). Mais partout, nous essayons de convaincre les amateurs d’essayer au moins une fois. En termes gustatifs comme en termes de qualité, je peux vous garantir que nous sommes au moins au même niveau que Cuba ! »
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Les Casa Turrent disponibles en France
Casa Turrent Serie 1901, Double Robusto 130 mm × 20,64 mm (cape et sous-cape : Mexique, tripe : Mexique, Nicaragua)
Casa Turrent Serie 1942, Double Robusto, 130 mm × 20,64 mm (cape et sous-cape : Mexique, tripe : Mexique, Nicaragua)
Casa Turrent Serie 1973, Double Robusto, 128 mm × 20,64 mm (cape : Mexique, sous-cape : Nicaragua, tripe : Mexique, Nicaragua)
Casa Turrent Serie 1880, Toro, 165 mm × 21,4 mm (cape et sous-cape : Mexique, tripe : Mexique, Nicaragua)
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