Bespoke, des cigares au goût d’Orient
Quatre modules Bespoke arrivent en France. Fabriqués en République dominicaine par le fils d’Hendrik Kelner, ils ont d’abord été créés pour les amateurs du Moyen-Orient. L’hôtel de Crillon, à Paris, a exigé d’en avoir pour sa réouverture. Jeremy Casdagli, le fondateur de la marque, nous raconte une histoire … qui commence singulièrement à Cuba.
Propos recueillis par Alain Mimouni
Cigars-Connect : Votre famille est impliquée depuis longtemps dans le commerce du cigare…
Jeremy Casdagli : La famille Casdagli travaille dans le commerce du tabac, du café, du coton et des céréales depuis la fin du XVIIIe siècle. C’est en 1827 qu’un premier bateau portant le nom de ma famille a été enregistré à l’entrée dans le port de Londres, en provenance de Smyrne, aujourd’hui Izmir, en Turquie. En ce qui concerne les cigares, en février 1951, mon grand-oncle Emmanuel, qui représentait le gouvernement britannique dans des négociations commerciales avec Cuba, a donné une impulsion aux havanes sur le marché anglais. Au passage, cela a dévasté l’industrie tabacole jamaïcaine…
Et vous, quel a été votre parcours personnel ?
J’ai d’abord travaillé dans le transport aérien, puis dans la finance. Il y a vingt ans, j’ai fait mon premier voyage à Cuba où j’ai rencontré quelques-uns des meilleurs torcedores, en particulier Carlos Valdèz Mosquera. C’est avec lui que j’ai commencé à concevoir mes premiers cigares, que j’ai baptisés Bespoke. Ce vieux mot de la langue anglaise signifie “fait sur mesure”: à l’origine, il s’agissait pour moi de fabriquer quelques cigares pour certains de mes plus importants clients, notamment la famille royale saoudienne et différentes célébrités. La production était extrêmement réduite, Carlos était le seul rouleur.
Mais il y a sept ans, il a pris sa retraite et, voyant que nous n’arrivions plus à produire un assemblage de la même qualité qu’au début, nous avons mis fin à notre production à Cuba. Pendant deux ou trois ans, j’ai cherché à refaire quelque chose qui s’approche du produit initial en allant au Nicaragua et au Costa Rica. Et finalement, un ami proche m’a mis en contact avec Hendrik Kelner Jr, le fils du légendaire Hendrik Kelner [maître de liga chez Davidoff depuis que la maison suisse s’est installée en République dominicaine, ndlr]. Après avoir travaillé pendant dix-huit ans avec son père, Hendrik Jr ouvrait sa propre fabrique. Son génie s’est révélé à moi lorsque, en s’inspirant de l’un de mes tout premiers cigares, il a créé un cigare “cubanesque” en assemblant des feuilles dominicaines, américaines, nicaraguayennes et brésiliennes. Avec seulement cinq rouleurs, notre production est aujourd’hui d’environ 200 000 cigares par an, mais nous utilisons des tabacs rares – notamment des hybrides de la famille Kelner disponibles en très petites quantités.
Quelle est la spécificité de vos cigares ?
Ils ont chacun une histoire. La ligne Basilica, par exemple, trouve ses origines en Arabie Saoudite. Mes clients saoudiens voulaient un cigare qui puisse s’accorder avec leur thé au gingembre et ils m’ont demandé quelque chose de “citronné”. J’ai goûté huit assemblages avant de décider du blend final.
Pensez-vous que le marché français soit difficile pour les cigares non cubains ?
Entrer sur un marché dominé par les havanes constitue toujours un défi. Comme je vous l’ai expliqué, la marque Bespoke est née et a grandi à Cuba et je suis moi-même un grand fan des cigares cubains. Je pensais moi aussi, il y a quinze ans, qu’il n’y avait rien en dehors de Cuba. Mais depuis, j’ai vu la complexité des cigares qu’on peut produire au Nicaragua et en République dominicaine. Il y a quelques années, le marché saoudien était quasiment à 100 % cubain – et j’y participais avec mes Bespoke cubains –, mais quand je leur ai proposé mes assemblages réalisés en République dominicaine, j’ai eu de très bons retours… à tel point que l’hôtel de Crillon [propriété de la famille royale saoudienne, qui va rouvrir cet été après quatre années de travaux, ndlr] a insisté pour que les Bespoke soient disponibles là-bas pour la clientèle du Moyen-Orient qui vient à Paris.
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