Connaissez-vous la hierba buena ?
On la retrouve parfois dans les arômes d’un cigare, plus souvent dans le cocktail qui l’accompagne : la menthe est la plante aromatique la plus répandue au monde. À Cuba, on la surnomme, la hierba buena…
Par Jean-Baptiste Bourgeon
J’avais cinq ans lorsque j’ai rencontré la menthe. C’était dans le jardin de mes parents. Elle poussait là, entre un massif de pétunias et un hortensia. Sa tige vert foncé se dressait au milieu des fleurs, portant ses feuilles vert émeraude pointues et dentelées. Mon père en a coupé une et me l’a mise dans la bouche. Trente ans plus tard, je me souviens encore de son goût, aussi puissant que rafraîchissant. Depuis ce jour, je mâche sans faute les feuilles déposées délicatement sur les desserts, celles qui garnissent l’assiette des nems vietnamiens, celles, ciselées, qui flottent lentement dans les petits verres de thé à la menthe et bien sûr les jolies feuilles qui infusent dans les mojitos et que j’extrais avec dextérité du bout de ma paille de leur bain de rhum, de citron vert et de sucre de canne.
Pas difficile
Grand bien me fasse depuis toutes ces années où je broute l’herbacée avec délice ! Car les herboristes sont unanimes : cette plante aromatique de la famille des labiacées est bourrée de bienfaits pour la santé. On la dit apaisante, antidouleur, digestive et diurétique. Elle aiderait à soigner le rhume, la constipation, les problèmes de peau, les remontées gastriques et, enfin, la mauvaise haleine. Avec de telles vertus, on pourrait penser que la menthe est rare, qu’elle se mérite, qu’il faudrait aller la rechercher au fond d’une parcelle de terre secrète envahie par les ronces. Il n’en est rien. La menthe pousse à peu près dans tous les sols frais. On la trouve dans les champs, les prairies, les fossés, au bord des rivières, sur les balcons et même empotée dans la maison tout au long de l’année. Et bien sûr, dans le jardin de mes parents. La menthe, pas difficile, nécessite peu d’attention, il lui faut simplement une terre humide et un peu de lumière. Elle résiste même au froid. On la récolte de mai à octobre, et il vaut mieux la contenir en pot puisque notre amie est aussi envahissante qu’elle est enivrante, elle qui peut parfumer l’air plusieurs mètres à la ronde.
De la nymphe à Charlemagne
Rien d’étonnant alors à ce que la menthe nous embaume depuis si longtemps. Sa première trace remonte à la mythologie grecque. Hadès, dieu des Enfers, faisait la cour à la nymphe Minthé, provoquant la jalousie de sa femme Perséphone. En furie, celle-ci transforma la belle Minthé en plant de menthe. Ne pouvant la ramener à la vie, Hadès lui donna son parfum. Depuis, ce goût tout droit sorti des ténèbres n’a cessé d’envoûter les palais. Dans l’Antiquité, on frottait les tables avec de la menthe pour ouvrir l’appétit des convives. Au Moyen Âge, dès Charlemagne, elle s’impose dans les plats ou simplement parsemée sur le sol pour parfumer et rafraîchir l’intérieur des maisons. Aujourd’hui, la menthe, originaire d’Europe, s’est imposée comme la plante aromatique la plus répandue sur le globe.
En terre de cigares
Il n’en existe pas moins de soixante-dix espèces et près de six cents variétés : poivrée, marocaine, citronnée ou verte pour ne citer que les plus connues. Dans les Caraïbes et aux Antilles, terres de cigares, la menthe pousse haut et fort, profitant, tout comme les plants de tabac, de conditions optimales entre soleil et humidité. Les Cubains possèdent d’ailleurs leur propre menthe, la hierba buena – la bonne herbe –, une cousine de notre menthe poivrée qui ne pousse que sur leur île. C’est elle qui parfume l’authentique mojito et lui donne son goût unique, souvent copié mais jamais égalé : la hierba buena, chère à Thierry Hernandez, directeur du bar de l’hôtel Bristol à Paris. Sur sa carte, un cocktail mentholé à base de rhum porte son nom. « On voulait un nom qui inspire la fraîcheur et la douceur de vivre cubaine », explique le barman en chef, également amateur de havanes, surtout de Partagas ou de Cohiba qu’il fume au calme, le long de ses parcours de golf.
La menthe selon Thierry Hernandez, barman en chef au Bristol
« La menthe, je l’utilise au printemps ou en été, elle revient en ce moment dans notre carte que nous changeons à chaque saison. C’est le goût de la fraîcheur, un parfum de vacances. J’en utilise deux variétés : la poivrée et la verte. La première va apporter de la force et du froid, la seconde un côté suave et léger. Les deux me servent souvent à équilibrer un verre », explique Thierry Hernandez qui tenait avec son cocktail à sublimer l’esprit du mojito avec élégance et subtilité.
Recette du Hierba Buena
- Une base de rhum Havana Club trois ans dans lequel ont infusé des feuilles de menthe vertes, quelques heures seulement car la plante est très puissante.
- Un peu de rhum brun de la Jamaïque assez relevé pour apporter une touche épicée
- Du Campari pour l’amertume
- Du jus de citron vert pour l’acidité
- Un peu de liqueur de cerise (marasquin) et enfin un trait de Ginger Ale
« Un cocktail désaltérant, pas trop sucré, qui ouvre l’appétit et se marie à merveille avec un cigare – plutôt léger pour que la menthe n’atténue pas trop les arômes de la vitole. Soit le verre idéal pour un apéritif sur une terrasse baignée de soleil », imagine le barman. Un songe qui deviendra bientôt réalité puisque le Bristol ouvre dès cet été un bar dans son jardin intérieur et que Thierry Hernandez finalise en ce moment même une cave à cigares pour ses clients. L’occasion d’apprécier cocktails et havanes dans le luxe d’un palace parisien.
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