De nouveaux cigares premium à moins de 10 €
Confrontées à une évolution de la demande et du budget des amateurs, les manufactures réagissent en créant de nouvelles marques à la fois qualitatives et accessibles en prix.
Par Jean-Pascal Grosso
« C’est le marché qui nous dicte cette orientation, explique José R. Oliva, président-directeur d’Oliva Cigars. Tout le monde aimerait vendre des cigares à 12, 16 ou 20 dollars. Simple question de rentabilité. Mais la majorité des fumeurs, aux États-Unis, achètent des cigares à moins de 8 dollars. Prenons un autre exemple. Tout le monde aimerait boire du Johnnie Walker Blue Label, n’est-ce pas ? Mais leur best-seller reste le Red, qui est leur entrée de gamme… » Ainsi, la vénérable manufacture vient de lancer sur le marché américain le Gilberto, « un très bon produit dans un segment plus accessible » selon Frederik Vandermarliere, son nouveau propriétaire : « Avec les Gilberto, nous avons misé sur des tabacs de bonne qualité, certes moins rares que pour les Melanio, un packaging élégant, mais évidemment moins coûteux que s’il était réalisé avec du beau bois… En limitant les coûts, sans rogner sur la qualité du produit, sans exagérer sur la finition, on peut obtenir un bon cigare pour 5 à 8 euros, le prix final dépendant évidemment de la taxation dans le pays. »
Anticiper la hausse des prix
Autre maison à tabler sur des cigares « abordables » et à miser sur des terroirs moins connus, Agio, qui est entrée dans la cour des grands avec la gamme très plébiscitée des Balmoral XO. Le San Pedro de Macoris, un blend original qui se conjugue en cape Brésil ou Équateur (3,90 euros le Robusto), a ainsi fait une entrée remarquée sur le marché du fait-main. « Nous voulions prouver qu’il était possible de fabriquer un cigare à bas prix et de très bonne qualité, déclare Axel Coucke, directeur général Agio France. Avec la hausse des taxes annoncées pour les trois ans à venir, les prix devraient fortement augmenter. En créant San Pedro de Macoris, nous avons voulu anticiper cette hausse. Demain, une partie des consommateurs fumera moins mais mieux, et s’orientera directement vers les faits-main. En parallèle, nous espérons attirer une clientèle neuve qui, plus tard, s’orientera vers des cigares plus chers. Ce segment des “cigares d’entrée” est donc d’une importance stratégique pour nous. »
« Une expérience champagne au prix de la bière »
Certes, des cigares de très haute tenue à moins de 10 euros existent déjà. Les Don Tomas Honduras ou Nicaragua, les Cumpay ou les Casa Magna… : autant de noms célébrés par les aficionados plus économes ou moins fortunés que les inconditionnels de Cohiba ou de Davidoff. « Depuis longtemps, Oliva a un bundle qui fonctionne très bien aux États-Unis, le Flor de Oliva, indique José R. Oliva. Un long-filler composé de très bons tabacs. Avec une entrée de gamme, vous développez votre palais, vous découvrez ce qui vous sied le mieux. Puis, naturellement, vous montez en qualité et donc en prix. Mais cela prend du temps. Le consommateur de cigares progresse lentement. »
Un changement à la fois de mode et de mœurs semble donc en cours, aussi bien du côté des producteurs que du côté des consommateurs. L’offre et la demande se plient à de nouveaux éléments, à de nouvelles situations économiques. « Les amateurs veulent désormais avoir une expérience champagne au prix de la bière…, constate non sans humour Rick Rodriguez, master blender chez CAO, à l’origine des savoureux Pilon – dont un impétueux Toro à 7,50 euros. Cela nous oblige à donner le meilleur de nous-mêmes sans sacrifier le moindre dollar sur la qualité, en choisissant un excellent tabac qui ne soit pas trop onéreux par exemple. Créer un excellent produit à un prix modéré ? C’était un challenge et je pense que la réaction de nos fans prouve que nous avons réussi. Le cigare se vend très bien et nous a même apporté de nouveaux clients. »
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