Cuba : difficile « bancarisation » chez les producteurs de tabac
Le gouvernement cubain veut développer le paiement électronique (par carte bancaire ou avec des applications mobiles), mais la presse officielle détaille les obstacles pratiques qui se dressent devant cet objectif dans la région rurale de Pinar del Rio, le coeur de la production de tabac cubaine. Il s’agit aussi d’un « changement culturel », reconnaît un hebdomadaire local.
« Nous travaillons sur le sujet depuis environ deux ans. Nous avons tous les outils. (…) Mais il faut dire que personne ne les utilise car il n’y a pas la culture dans la population, y compris de la part des administrateurs qui n’en font pas la promotion », reconnaît un responsable cité par l’hebdomadaire cubain Guerillero, édité par le Comité provincial du Parti communiste de Pinar del Rio (ouest).
« Le processus de bancarisation est un changement culturel », admet le journal. C’est ce qu’explique Armando Blanco García, un producteur lié à l’entreprise de tabac Consolación del Sur : « J’ai un téléphone [avec les applications de transfert d’argent], ce serait pour moi pratique de pouvoir payer les hommes sans avoir à aller à la banque, mais ils n’aiment pas ça. Ils demandent l’argent en espèces parce que, en rentrant chez eux, ils achètent un sac de pain, quelques boissons, tout ce dont ils ont besoin. De plus, il faudrait que je les paie à la semaine, mais beaucoup me demandent l’argent au jour le jour. S’il n’y a pas d’argent, ils ne travaillent pas. Et c’est difficile car à la campagne la main d’œuvre manque ».
« Garder l’argent sous le matelas »
« Traditionnellement dans la vie du guajiro [paysan cubain], c’est le fils qui a le téléphone portable et celui qui utilise la technologie, les plus âgés aiment garder leur argent sous le matelas », explique un autre responsable.
« La vérité, c’est qu’aujourd’hui, lorsqu’un agriculteur se rend dans une bodega [magasin d’Etat] et qu’il veut payer par voie électronique, la première chose que le vendeur lui dit, c’est qu’il n’y a pas de connexion internet, poursuit le même responsable. Je viens d’une région située entre La Palma et Viñales, et il n’y a jamais de connexion dans aucune des bodegas. Il faut donc d’abord réunir les conditions pour que les paysans puissent ressentir la réalité. Le guajiro ne croit que ce qu’il voit ».
L’hebdomadaire détaille aussi les difficultés, pour ceux qui acceptent de toucher leur salaire par voie électronique, d’accéder à un distributeur pour retirer du liquide, soit parce qu’ils habitent dans des villages éloignés sans distributeurs et ne disposent pas de moyens de transport, soit parce que les distributeurs à leur disposition, comme à Viñales, ne fonctionnent pas.
Photo : © Guerillero
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