Don Pepin : “Je suis né et j’ai grandi dans une fabrique”
10 Millions de cigares produits chaque année, plus de 4000 employés, le label Don Pepin doit son succès au talent et à la volonté de son créateur José Pépin Garcia. A 66 ans, il n’a pas l’intention de s’arrêter mais revient avec nous sur son parcours.
Par Armelle Vincent
José ‘Pepin’ Garcia tient immédiatement à clarifier une chose : il refuse de parler de politique et affirme n’en rien savoir ni comprendre. Lorsque nous faisons connaissance, Fidel Castro n’est pas encore mort, mais la relation américano-cubaine vient de vivre un dégel. Il semble donc naturel de demander à Pepin comment, en tant qu’exilé cubain, il vit l’inattendue détente. “Bien”, répond-t-il sobrement. Don Pepin n’est jamais retourné au pays depuis qu’il en est sorti en 2001 pour une escapade au Nicaragua, dont il n’admet pas qu’elle fut en réalité une fuite, juste un voyage dont il n’est jamais revenu. “Je suis parti pour une visite et je suis resté”, explique-t-il. Cuba lui manque-t-elle après toutes ces années ? “Inévitablement, on pense toujours à son pays natal”, se contente-t-il de répondre avec un léger sourire, signifiant ainsi qu’il préfère clore le sujet. “En ce qui concerne le tabac, celui de l’île va continuer à être le meilleur du monde. Mais l’ouverture de Cuba ne va pas m’affecter. Je fais un produit très similaire aux siens”.
Don Pepin Garcia est connu pour son humilité et sa simplicité. Malgré son immense succès dans l’industrie et les compliments dont il est régulièrement couvert, il n’est jamais parvenu à se prendre au sérieux. “Je suis très travailleur et j’ai la passion du cigare”, déclare-t-il, comme si ces deux facteurs expliquaient seuls sa réussite. Sa fierté d’avoir plusieurs fois décroché une place de choix dans le classement des meilleurs 25 cigares du monde de la revue américaine Cigar Aficionado tient plus à la satisfaction de pouvoir offrir des moments de pur délice aux amateurs qu’à l’admiration dont il est l’objet même s’il avoue que celle-ci lui fait très plaisir.
Champion des champions
Puissants, savoureux et parfaitement construits, les cigares de Don Pepin ont la réputation d’être les plus proches des havanes sans pourtant contenir de tabacs cubains. Un petit miracle. Tant et si bien du reste que l’an dernier, le Cigar Journal lui a décerné un prix d’excellence pour l’ensemble de sa carrière. Une récompense qui vient s’ajouter à ses titres de Tabaquero Maestro, Torcedor Maestro de Classe 8 –la plus haute- et Champion de productivité pour avoir un jour roulé 320 Julietas en 4 heures. Des honneurs qui n’ont pourtant pas l’air de l’émouvoir plus que cela. Sans doute qu’ils gênent sa modestie, qu’on dit grande. Entouré de ses enfants Janny et Jaime, des trentenaires qui travaillent et vivent sous le même toit que lui à Miami, Pepin est tout simplement heureux de continuer à faire ce qu’il a toujours aimé : mélanger des tabacs et rouler des cigares. En plus de ses propres vitoles vendues sous les marques Don Pepin Garcia Blue Label, Don Pepin Garcia Serie JJ, My Father, Cuban Classic, Black Edition, El Centurion, Don Pepin fabrique également les puros de marques réputées comme Tatuaje, Ashton, Aroma de Cuba, San Cristobal.
C’est à l’âge de 11 ans que José Garcia a débuté une carrière de torcedor à Baez (province de Villa Clara) chez son oncle. “Je suis né et j’ai grandi dans une fabrique”, dit-il. Son talent se révèle immédiatement. Le jeune Pepin ne tarde pas à être embauché par la fabrique Félix Rodriguez où il roule les cigares Montecristo, Cohiba, Romeo y Julieta, Quai d’Orsay et Ramon Allones. En quelques années, il devient le meilleur torcedor de Cuba, un maître aux mains expertes qui enseigne son art à plus de 200 rouleurs et acquiert vite le statut de légende et de “magicien”.
10 000 000 de cigares par an
Pepin, cependant, aspire à la liberté ou plutôt à des coudées plus franches que ce que l’île est capable de lui offrir. Du Nicaragua, il passe à Miami via le Mexique, en 2002, avec son fils Jaime. Sa fille Janny a ouvert la voie en émigrant aux Etats-Unis cinq ans plut tôt. Ainsi réunie, la famille Garcia ne se quitte plus. “Comme nous sommes toujours ensemble, nous ne parlons que de tabac, matin, midi et soir”, souligne Jaime. Entre toutes les marques, Don Pepin fabrique environ 10 000 000 de cigares par an. Personnellement, son cigare préféré est le Don Pepin Azul, mais il lui arrive de fumer un Flor de las Antillas de My Father.
Don Pepin est aujourd’hui à la tête d’une fabrique à Miami, El Rey de Los Habanos, et d’une autre à Esteli (Nicaragua), Tabacalera Cubana, qui emploie 4000 personnes dont 1300 à plein temps. Une des plus grandes fiertés de cet homme effacé est d’avoir pu contribuer au bien-être social d’Esteli : “Nous avons participé à la construction d’un hôpital et d’écoles. La région a bénéficié d’énormes progrès au cours de la dernière décennie, grâce aux producteurs de cigares qui se sont installés dans la région. C’est formidable”.
A 66 ans, Don Pepin n’a aucune intention de prendre sa retraite. Il s’ennuierait bien trop. Et puis, il compte continuer de développer le marché européen. Pour l’heure, il exporte 500 000 cigares vers l’Allemagne et de 100 à 200 000 vers la France. “On doit pouvoir mieux faire”, remarque-t-il.
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